Les 11 et 12 mai 2023 un colloque sans précédent dans l’histoire des études universitaires consacrée au fait chrétien d’Orient a été organisé par l’équipe scientifique de l’Institut chrétiens d’Orient (ICO) sous la houlette de son directeur et fondateur, Antoine Fleyfel et du père Charbel Maalouf, enseignant à l’Institut Catholique de Paris, directeur de recherche et enseignant à l’ICO, dans les locaux de l’Institut des langues et civilisations orientales (INALCO) à Paris. 

Ce premier colloque international, qui s'est déroulé sur deux jours en présentiel et à distance, a rassemblé plus d'une centaine de participants des quatre coins du monde.  Les quatre approches, historique, socio-culturelle, géopolitique et religieuse sur la thématique de la diaspora des chrétiens ont été vivement appréciées, dans la mesure où il a pu constater de visu la richesse de l'ICO fondée sur la pluridisciplinarité de son corps enseignement, composé de chercheurs et d'universitaires.  

Étudier la question des chrétiens d'Orient dans toutes ses dimensions situe nécessairement l'ICO sur le champ de la diaspora. Plus de deux chrétiens d'Orient sur trois vivent désormais en dehors du Proche-Orient, mouvements migratoires sur fond d'instabilités chroniques obligent à prendre en considération ce phénomène mouvant et appelé à durer. 

L’ensemble des communications ont permis de mettre en évidence l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs maîtrisant les sciences sociales et travaillant sur la thématique des communautés chrétiennes orientales établies au sein de sociétés occidentales, un champ de recherche qui s’est beaucoup développé ces dernières années et qui est l’objet de ce présent colloque.

L’occasion de réfléchir à plusieurs questions clés en rapport avec les tensions suscitées par la confrontation de ces communautés avec la sécularisation, la mondialisation, les diverses expressions du multiculturalisme, l’expérience de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux, etc. De sorte que la plupart des participants se sont accordés sur la nécessité de s’adapter aux différents contextes sociologiques, culturels, linguistiques.

Ce colloque aura également permis aux auditeurs d’entrevoir une vue d’ensemble de la trajectoire spatiotemporelle des chrétiens d’Orient et de leurs stratégies identitaires en situation de diaspora. Dès lors comment envisager de nouvelles formes de solidarité transnationales? Quels sont les enjeux théologiques, pastoraux des diasporas ? Comment définir le rôle des paroisses dans la conservation de l’identité, et le rôle des communautés dans la vie de la cité ? Et vis-à-vis des pays d’origine ? 

Au cours de ces deux journées intenses et grâce à l’approche comparative des contextes nord- américains et européens, il a été possible de déterminer plusieurs fils conducteurs, parmi lesquels l’épineuse question de la transmission de la foi et de la pastorale auprès des jeunes, l’équilibre entre héritage et ouverture à la modernité, et celui de l’attachement au territoire d’origine. 

Pour répondre à ces questions plusieurs lectures ont été proposées : géopolitiques, historique, sociologique, théologique. A l’instar de l’Epître à Diognète datant du IIe siècle de notre ère résonne dans notre réalité contemporaine avec une opiniâtre acuité puisque selon cette écriture, « les chrétiens sont appelés à vivre dans leur patrie comme des étrangers. Tout pays étranger est leur patrie et toute patrie leur est étrangère ».

Appartenant à diverses disciplines, les intervenants sont partis du postulat que les chrétiens d’Orient sont mieux placés que quiconque pour se « penser en diaspora ». Diasporique par essence, la chrétienté orientale n’en n’a pas forcément pris conscience. Mais de quoi la diaspora des chrétiens d’Orient est le nom ?  Telle était la question auquel les éminents panélistes de ce colloque organisé par l’Institut chrétiens d’Orient se sont attelés de répondre. A commencer par mettre en valeur la conception universelle de l’Eglise corps du Christ, une invitation à la communion au Rédempteur qui donne une dynamique vivifiante. 

Au cours des échanges il a été question de sortir de la position victimaire, nuancer sans nier la violence des conflits et des déchirures, penser la question diasporique des chrétiens d’Orient dans une perspective plus large tout en adoptant une approche comparative, tel était le fil conducteur des communications mêlant approches historiques et dynamiques présentes appliquées à plusieurs cas d’étude (diaspora arménienne, diaspora maronite, diaspora assyro-chaldéenne, diaspora copte).  

Les différents intervenants ont contribué par leurs communications respectives mais aussi la singularité de leurs parcours à mieux comprendre la condition chrétienne orientale appliquée au contexte diasporique sur l’espace et le temps. 

Il a été notamment question de répondre aux questions suivantes : quel œcuménisme ? comment adapter la liturgie, la pastorale au contexte du pays d’accueil ? Quelle intégration à promouvoir ? etc.). Bref, quelles sont les possibilités pour inoculer un christianisme oriental au sein des sociétés occidentales cratérisées par le post christianisme ?

Les dynamiques transnationales à l’œuvre permettent d’entreprendre une stratégie identitaire propre à chaque contexte. Mais pour qu’une telle dynamique puisse aboutir, encore faut-il que le phénomène de ré enracinement s’inscrive dans la durée de façon à la fois diachronique et synchronique. 

Ce colloque sans précédent aura pour mérite de faire entendre une voix chrétienne dans un cadre participatif, de penser les défis contemporains et d’envisager un témoigne chrétien oriental dans un cadre extra territorial fidèle à l’esprit de l’Epître à Diognète, tenant compte des spécificités religieuses de chaque communauté. De sorte que celles-ci puissent opérer une véritable dynamique de conversion et de mise à jour d’un logiciel frappé d’obsolescence.  Autrement dit et pour reprendre la belle formule de Joseph Maïla, « être la résilience de l’Espérance ».

Compte-rendu réalisé par Tigrane Yégavian